
Le tango serait donc né dans les bas quartiers de Buenos Aires dans les lieux où l’on peut danser : bals, fêtes, maisons closes, cabarets... C’est cette origine douteuse qui contribuera à former l’image d’une danse dévoyée et obscène, fortement réprimandée par la bonne société. Mais petit à petit le tango traverse les couches sociales au point de devenir un véritable phénomène de mode international vers les années 1910. Cette popularité sera ressentie cependant par les puristes comme une altération de cet art. En effet afin de pouvoir l’enseigner, les pas de danses ont été «normalisés» afin de pouvoir adapter le tango aux conventions sociales des salons européens.
Grâce à la révolution du disque le tango entre dans son âge d’or entre 1920 et 1935. C’est à cette époque aussi là que le tango chanté (car auparavant le tango était surtout une musique pour danser) prend de l’ampleur avec comme figure de proue le célèbre Carlos Gardel (1890-1935).
Pendant le conflit de la deuxième guerre mondiale l’engouement pour le tango s’essouffle quelque peu avant de revenir sur les devants de la scène vers 1960 grâce au novateur Astor Piazzola (1921-1992). Mais le phénomène de mode ne reprendra de l’ampleur que dans les années 80 en Europe et au Japon.
Le tango est une danse...
Oui le tango est avant tout une danse... Une danse issue des bas quartiers de Buenos Aires qui a suscité bien des polémique quand elle a tenté de se hisser dans la haute société. Un des exemple les plus extrême, est l'historien italien (Guglielmo Ferrero) qui dénonce le tango comme cause du conflit de la première guerre mondiale! Marinetti aussi (leader du mouvement artistique futuriste) ne sera pas en reste pour critiquer cette danse : «Barbares, un genou entre les cuisses, allons donc, il en faut deux ! Barbares, mais oui, soyons barbares ! Fi du tango et de ses lentes pâmoisons ! ».
Néanmoins le tango transgresse les interdits et conquiert de plus en plus d’adeptes. Peut-être sont-ce ses caractéristiques si spécifiques qui contribueront à ce succès ?

Le tango se démarque des autres danses en couple par plusieurs éléments :
- Le temps d’arrêt dans la musique et dans la danse suspendent le mouvement. L’homme s’arrête pour mieux laisser s’exprimer sa cavalière autour de lui et vice versa. Les autres danses de couples ne sont en général qu’une succession de pas et de figures en continuité avec le rythme.
- La désacralisation de la symétrie des pas implique une plus grande liberté par rapport au partenaire. Certains sociologues y verront là une représentation de la lutte entre les sexes, avec pour chacun un rôle bien déterminé.
- Cette plus grande liberté de mouvements entraîne la possibilité d’improviser de façon permanente : aucun tango ne se ressemble.
Le tango est une musique...
Car bien sûr pour accompagner la danse il faut une musique... L’origine de la musique tango, nous l’avons vu précédemment, se trouve dans le mélange des cultures du port de Buenos Aires. Parmi elle quatre influences musicales se sont distinguées aux yeux des musicologues: la habanera (Cuba), la milonga (Argentine), le candombé (esclaves africains) et la musique tzigane.
Les instruments d’un orchestre de tango :
Les premiers orchestres de tango se composent d’une guitare, d’un violon, d’une flûte et parfois d’une harpe. Ces instruments faciles à transporter permettent une plus grande mobilité aux musiciens qui peuvent ainsi passer de bals en maisons de passes et rentabiliser leur nuit.
Puis le piano devient l’instrument incontournable dans les établissements de luxure, qui s’enrichissent. D’autres lieux plus conventionnels dédiés à la musique sont eux aussi peu à peu gagnés par la fièvre du tango. Ils possèdent déjà un piano, contribuant ainsi à établir cet instrument comme faisant parti de l’orchestre traditionnel.
Enfin en 1908 le bandonéon s’impose dans les orchestres, donnant un relief plus mélancolique au tango.
Quelques musiciens célèbres :
Le tango prend ses lettres de noblesse vers les années 1920 et beaucoup de musiciens de cette génération vont immortaliser leurs noms. Citons par exemple le pianiste Osvaldo Pugliese (1905-1995), le bandéoniste Anibal Troilo (1914-1975) ou encore l’immense Astor Piazzola (1921-1992).
Le tango est une poésie...
Les textes chantés dans les premiers tangos traduisent ses origines. Exprimés dans une langue fleurie et très argotique (l’argot de Buenos Aires est appelé lunfardo), ils évoquent la vie dans les bas quartiers : la misère comme les joies. Mais le premier tango chanté à rencontrer le succès est sans doute Mi noche triste interprétée par Carlos Gardel et écrite par Pascal Contursi. Ce dernier marque une transition du tango car ses textes sont empreints d’un romantisme et d’une mélancolie qui n’existaient pas jusqu’alors. Ce sentimentalisme prendra alors le pas et définira la tonalité du tango. Ce côté dramatique sera encore accentué par Enrique Santos Discépolo (1901-1951) qui dira :«Le tango : une pensée triste qui se danse».
La plupart des textes de tango sont écrits par des écrivains, des poètes, générant alors une littérature qui définie l’identité Porteña (de Buenos Aires).
Un retour en Force depuis les années 80.
Depuis 30 ans le tango est passé de danse ringarde à danse dans le vent. Pour preuve des écoles de danse, des concours, des expositions ont fleuri çà et là sur le territoire Français mais aussi à l’étranger. La musique électronique s’en est emparé avec le groupe Gotan Project, le jazz s’est associé au tango grâce à des musiciens comme Juan José Mosalini... En bref le tango s’improvise toujours, et reste éminemment novateur.
NDLR :
Les liens signalés dans le texte permettent, à vous lecteurs, d’approfondir si vous le souhaitez vos connaissances sur le sujet.

Les clichés sur le tango :
- Le tango à d’abord été une danse d’homme : non. Des hommes on bien dansé ensemble le tango, mais c’était pour mieux se préparer à danser avec une cavalière. Les femmes manquant fortement au début du XXe siècle, les danseuses étaient souvent excellentes et très prisées, et donc préféraient les danseurs chevronnés.
- Le tango est une danse sensuelle voire sexuelle : pas exactement. D’un point de vue extérieur les danseurs sont en effet très rapprochés et les jeux de jambes équivoques. C’est ce qui a d’ailleurs valu à cette danse une très mauvaise réputation à ses débuts. Mais tous les danseurs témoignent que le plaisir de la danse prend le pas sur le plaisir des sens. De plus le tango exprime la lutte des sexes c'est donc plus qu’un simple jeu de séduction.
Lectures :
- Hess Rémi, Le Tango, Vendôme, Presses universitaires de France, Collection Que sais-je?, 1996. Cet ouvrage résume bien le sujet entier du tango mais certains passages sont très techniques.
- Plisson Michel, Tango, du noir au blanc (seconde édition augmentée), Mayenne, Cité de la musique / Actes sud, collection musique du monde, 2004. Un beau petit livre agréable à lire, agrémenté d’un disque et dont le prix reste abordable.
- Salas Horacio, Le tango, Saint-Amand-Montrond, Babel, 2004. Cet essai mérite le détour. Riche en anecdotes et traductions de chansons il permet de mieux s’imprégner de la mentalité Argentine.
Reportage :
A corps Tango, Info mag, diffusé le 5 mai 1997.
Vous souhaitez le danser ?
Quelques adresses à Clermont-Ferrand et ses environs :
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Tango Volcanique Auvergne (site internet)
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Mouvement de soi (site internet)
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Danse pas tout seul (site internet)
Vous souhaitez le jouez ?
Des partitions de tango pour piano sont disponibles sur la bibliothèque numérique (Gallica) de la B.N.F.
L'Argentine à Paris à l'Olympia : croquis de scène / de Paul Charles Delaroche
Tango argentino, mise en scène de Claudio Segovia. Paris. Théâtre Mogador. 1989 : photographies / Daniel Cande
Caras y Caretas, Buenos Aires, paru le 07 Février 1903, page 43
Le tango et ses traditions culturelles sont fortement liés à l’Argentine car c’est là qu’il est né. Pour être plus exacte il a vu le jour dans les terres environnantes du Rio de la Plata, cerné par les deux métropoles de Buenos Aires et Montevideo. Le tango aurait été créé à la fin du XIXe siècle (aucune date précise n’a été établie) et résulte d’un mélange de cultures. Les deux villes réunies autour du fleuve accueillent un gigantesque port d’immigration, le deuxième d’Amérique en 1908. Des milliers de personnes débarquent sur ces terres, venant des quatre coins de l’Europe (Pologne, Russie, Espagne, Italie, France). Souvent mal reçus par les criollos (les nés en Amérique) ils se regroupent entre nationalités et dans des quartiers assez insalubres.
Ce melting pot riche en différences culturelles favorisera fortement la création d’une nouvelle culture, hybride, dont l’une des figures emblématique est le tango.
Sous les jupes du tango Argentin
Article rédigé par Elsa BRISSONNEAU, 1er Août 2014.
Rubrique CULTURE LATINO AMERICAINE
NDLR :
Les liens signalés dans le texte permettent, à vous lecteurs, d’approfondir si vous le souhaitez vos connaissances sur le sujet.
Des films !
Cidade de Deus : prononcez [sidadj dji déousse] (La cité de Dieu),
Fernando Meirelles et Kátia Lund, Alexandre Rodrigues, Matheus Nachtergaele, Leandro Firmino,
Brésil, 2002, Drame, 130 min.
Cidade dos homens : prononcez [sidadj dousse omegns] (La cité des Hommes),
Paulo Morelli, Douglas Silva, Darlan Cunha, Jonathan Haagensen,
Brésil, 2007, Drame, 106 min.
Cinco vezes favela : prononcez [sincou vèzisse favéla] (Cinq fois favela),
Marcos Farias, Miguel Borges, Cacá Diegues, Joaquim Pedro de Andrade, Leon Hirszman,
Brésil, 1962, Drame, 92 min.
![]() Cidade de Deus |
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![]() Cidade dos homens |
![]() Cinco vezes favelas |
Ah le Brésil... Copacabana, nonchalance, plage, soleil et bikini. Voilà des clichés bien entérinés la plupart du temps. Quand ce ne sont pas les favelas, la drogue, ou la destruction de la forêt Amazonienne qui constituent le revers de la médaille. Cependant un pas de géant à été demandé à ce pays considéré comme «en voie de développement» car le pays accueille actuellement la coupe du monde de football et doit se préparer pour les jeux olympique de 2016. Mais ces événements ne semblent pas réjouir tout le pays...
Un peu d’Histoire...
Depuis les années 60 le Brésil a subit plusieurs crises économiques et politiques comme beaucoup d’autres pays d’Amérique Latine. Pour mémoire le Brésil était dirigé par une dictature militaire de 1964 à 1985 (ce qui explique en partie la présence d’une police militaire dans un pays pacifique). La transition vers la démocratie s’est déroulée en douceur. Dans les années 70 et 80 la situation économique force les dirigeants à prendre des mesures d’austérité pour contrer l’inflation galopante et l’accroissement de la dette extérieure. Mais en définitive le pays ne commencera son accélération fulgurante qu’à partir de 2004.
Le gouvernement du Parti Travailliste
Entre temps Luiz Inácio Lula da Silva est élu à la tête du Brésil (2003). Il fut un président très apprécié pour ses réformes envers les couches sociales les moins aisées et ce malgré les affaires de corruption qui l’ont éclaboussé. Grâce aux décision prise lors du gouvernement Lula la classe moyenne voit son revenu moyen doublé voire triplé en quelques années. Mais cet accès soudain à la consommation effrénée ne peut satisfaire longtemps une population qui n’a toujours pas les moyens de s’offrir la santé et l’éducation.
En 2011 Lula passe le pouvoir à Dilma Rousseff. Moins charismatique que son prédécesseur elle hérite en outre d’un pays où les inégalités sont encore fortes. La population ne tardera pas à le lui faire savoir.
La situation des favelas
Les favelas brésilienne sont malheureusement de notoriété publique, notamment à cause de la violence et du trafic de drogue. Mais il faut cependant garder à l’esprit quetoutes ces cités diffèrent les unes des autres. Leur seul point commun : leur statut précaire face à la législation. Les pouvoirs public tentent en effet d’enrayer leur expansion depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Cependant leur expansion ne fait que pointer du doigt l’échec des décisions qui ont été prises jusqu’à aujourd’hui. Que ce soit en tentant de déplacer ces populations indésirables, bien que nécessaires, ou encore en appliquant «la politique du robinet» (voir paragraphe 6), aucun remède ne semble fonctionner pour ce problème complexe.
Depuis 2009 la population encaisse les erreurs du gouvernement.
Ce sont d’abords les favelas qui ont fait les frais de la décision de la FIFA en 2007. Sitôt après cette annonce le Brésil a alors engagé une politique de pacification de ces hauts lieux de la drogue et de l’insécurité... La police a donc envoyé ses troupes d’élite et l’armée afin de nettoyer São Paulo et Rio de Janeiro du narcotrafic et accueillir en paix les touristes. Une fois l’environnement redevenu sain les habitants n’ont malheureusement pas pu goûter longtemps cette paix retrouvée. Un autre commerce beaucoup plus juteux et qui plus est légal l’a remplacé : la spéculation immobilière. Avec l’arrivée massive de touristes de nouveaux lieux d’accueil sont recherchés et les quartiers autrefois délaissés deviennent attractifs. C’est donc sous couvert d’insalubrité, d'aménagements divers ou encore de programme de relogement que le gouvernement expulse ces populations vivant dans ces quartiers, certes dans la précarité juridique, pour certains depuis deux voire trois générations. Amnesty International tire la sonnette d’alarme et fustige ces pratiques inhumaines.
Depuis la nomination du Brésil par la FIFA pour accueillir la coupe du monde 2014 le Brésil fait du zèle pour repeindre ses façades. Mais avec la surmédiatisation de l’événement sportif les projecteurs offrent par la même occasion un coup de pub pour les plus délaissés. Ce sont notamment les classes populaires qui, excédés, descendent dans la rue pour crier leur mécontentement. Elles revendiquent entre autre un système de santé publique plus performant : même si le régime de santé publique est universelle la qualité des soins qui sont pratiqués ne sont pas de grandes qualité. Beaucoup de brésiliens contractent des assurances maladies privées, inabordables pour une majorité de la population. Pour les maladies graves les plus démunis doivent faire face à de multiples problèmes.
L’éducation est elle aussi remise en cause... L’enseignement primaire et secondaire fonctionne comme le reste de la société ; par séparation des classes. Il existe une différence énorme entre l’enseignement privé et public. Même si les meilleures universités sont publiques l’accès se fait sur concours avec contrôle des connaissances. Il est donc peu probable qu’un enfant des favelas puisse accéder à l’enseignement supérieur.
Lorsque le gouvernement décide d’augmenter le prix des transports en commun, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Depuis la population se mobilise et manifeste contre ces dépenses inconsidérés en l’honneur du sport le plus apprécié par les brésiliens. La presse internationale leur donne de la voix et d’autres sur le territoires se mobilisent aussi : mouvements étudiants, manifestions des indiens, etc. En bref la carte «Des jeux pour le peuple» ne fait que révéler le mal-être social du Brésil.
Le Brésil : tout le monde en parle
Article rédigé par Elsa BRISSONNEAU, 1er Juillet 2014.